Fidal
Novembre 2023




EOLIEN : LA PRISE EN COMPTE DES ASPECTS CULTURELS ET LITTERAIRES

Du côté de chez Swann paru en 1913, œuvre phare de Proust comportant une description du village d’Illiers-Combray où l’auteur a passé une partie de son enfance, a permis le rejet d’une demande d’autorisation d’installation et d’exploitation d’un parc éolien plus de 100 ans après.

Dans cette affaire, la Cour administrative de Versailles avait débouté une société dans sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral rejetant sa demande d'autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de huit aérogénérateurs et quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Montigny-le-Chartif et Vieuvicq.

Dans un arrêt du 4 octobre 2023, le Conseil d’Etat a confirmé cette décision au motif que le juge des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) apprécie le paysage (article L. 5111-1 du Code de l’environnement) et les atteintes qui peuvent lui être portées en prenant en considération des éléments présentant, le cas échéant, des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques, y compris littéraires

Selon la Haute juridiction, la vie et l’œuvre de Marcel Proust, ainsi que les représentations dessinées par Jules Amiot du clocher de l’église d’Illiers-Combray et du jardin du pré Catelan, justifient de refuser la demande d’autorisation environnementale, dans la mesure où les éoliennes issues de ce projet auraient pu être visibles depuis ces lieux.

Cet arrêt du Conseil d’Etat pourrait permettre de nombreuses contestations futures en se basant sur les œuvres et ouvrages décrivant les territoires français.

Cette position des juges pourrait être considérée comme s’écartant de celle de la Cour des comptes qui, dans son rapport intitulé « Les soutiens à l’éolien terrestre et maritime » et publié le 17 octobre dernier, critique la faiblesse du développement éolien sur le territoire français, en pointant notamment les défauts majeurs de sa planification écologique.

En effet, l’actuelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE2) fixait un objectif de 26,5 GW d’énergies renouvelables issues de l’éolien en 2023, qui n’a pas été atteint puisqu’à la fin de l’année 2022, la France n’en produisait que 20,9 GW. Pour tenter de respecter la PPE2 et la directive européenne de 2018 (dite « RED II »), la France est contrainte de s’acquitter de « mégawatts statistiques », en achetant à d’autres Etats membres leur excédant d’énergies renouvelables produites pour compenser son écart avec les autres pays. Cette opération coûte entre 500 et 900 millions d’euros par an à l’Etat français.

Au-delà de ces pertes significatives, la Cour des comptes dénonce la lourdeur administrative à laquelle doivent faire face les porteurs de projet. En France, il faut en moyenne sept ans pour obtenir une autorisation de construction d’un parc éolien, et dix ans pour un projet en mer, ces délais ne prenant pas en compte les multiples recours possibles. En outre, la même Cour recommande de « supprimer le caractère suspensif des demandes complémentaires d’informations dans la computation des délais réglementaires applicables lors de la phase d’instruction ».

Selon elle, la planification fait défaut dans le développement de l’éolien, que ce soit au niveau terrestre et maritime. « Les différents dispositifs (zone de développement de l’éolien et schémas régionaux de l’éolien) mis en œuvre par l’Etat et les collectivités locales ont échoué à cartographier les zones propices à l’éolien terrestre. De ce fait, la responsabilité de choisir l’implantation des parcs a été laissée à l’initiative des développeurs privés ». L’éolien offshore souffre également de ces lacunes, car si la planification semble mieux maîtrisée que pour l’éolien terrestre, sa déclinaison prend un temps excessif, ainsi qu’en témoigne l’existence d’un seul parc opérationnel en France (parc de Saint-Nazaire de 480 MW).




PFAS : un rapport en faveur de la réduction progressive des PFAS publié par le Bureau européen de l’environnement

Le 12 octobre dernier, le Bureau européen de l’environnement (BEE) a publié un rapport intitulé « La marée toxique monte : il est temps de s’attaquer aux PFAS – Approches nationales pour lutter contre les PFAS dans l’eau potable en Europe », dans lequel figure notamment les quatre recommandations suivantes :
  • Réviser les seuils fixés pour les PFAS dans la directive eau potable, au regard notamment de la limite de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour les denrées alimentaires ;
  • Réduire progressivement l’utilisation des PFAS dans les produits de consommation d’ici 2025 et arrêter leur production d’ici à 2030 ;
  • Encourager le Parlement européen et le Conseil à adopter des normes strictes de qualité environnementale des PFAS pour les eaux de surface et souterraines ;
  • Veiller à ce que le principe du pollueur-payeur soit respecté en exigeant des pollueurs qu'ils couvrent les coûts d'assainissement, de traitement et de surveillance liés à la pollution par les PFAS, car « le coût total du traitement des eaux potable et usées pour éliminer les PFAS a été estimé à 238 milliards d’euros par an dans l’UE […] [et] le coût de la pollution repose toujours en grande partie sur les contribuables ».
Des réformes au niveau européen s’initient pour améliorer le contrôle effectué par les instances européennes :
  • La réforme du règlement REACH (qui aura lieu lors du prochain mandat de la Commission) prévoit une approche par famille de produits nocifs dans lesquelles les produits les plus dangereux définiront les restrictions légales applicables à toute la famille de produits ;
  • La directive sur l’eau potable, récemment révisée, fixe à l’horizon 2026 deux seuils restrictifs, au choix, pour les PFAS : 0,1µg/L pour 20 PFAS particulièrement toxiques, ou 0,5µg/L pour la totalité des PFAS. A cet égard, le BEE souhaiterait que ces seuils soient revus sur la base des dernières découvertes scientifiques, notamment par rapport au seuil de sécurité fixé par l’EFSA  pour 4 substances perfluoroalkylées présentes dans les denrées alimentaires (4,4 ng/kg de poids corporel).


Lutte contre l’artificialisation des sols : le Conseil d’Etat censure partiellement le décret sur la définition de l’échelle des zones artificialisées

Saisi par l’Association des maires de France (AMF), le Conseil d’Etat s’est prononcé le 4 octobre 2023 sur le dispositif réglementaire d’application de la loi Climat et résilience de 2021, qui impose la réduction de l’artificialisation des sols avec pour objectif un « zéro artificialisation nette » des sols fixé à l’horizon 2050. Ainsi, deux décrets du 29 avril 2022 sont venus organiser la mise en œuvre de cet objectif. L’Association des maires de France (AMF) a alors demandé l’annulation de ces deux décrets.

La première requête de l’AMF concernait le décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Le Conseil d’Etat a rejeté cette première requête car, selon lui, la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à un niveau régional (dans les schémas régionaux), qui s’imposeront ensuite aux documents locaux au niveau intercommunal et communal, est considérée comme conforme à la loi Climat et résilience.

La seconde requête concernant le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme a, quant à elle, fait l’objet d’une censure partielle par le Conseil d’Etat. En effet, la définition des zones artificialisées dans ce décret n’était pas satisfaisante en termes de précision. L’occupation effective des surfaces artificialisées était mesurée à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géographique.

Dans un communiqué, le Conseil d’Etat considère qu’en faisant « simplement référence à des « polygones », sans donner de précisions suffisantes sur la manière dont ceux-ci seraient déterminés et appliquées, le gouvernement  n’a pas satisfait à l’obligation résultant de la loi, qui lui imposait d’établir l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».

L’AMF, en déposant ses deux requêtes, souhaitait mettre en avant la précipitation dans la rédaction de ces deux décrets, qui adoptent une « approche de recentralisation rigide », risquant notamment de fragiliser juridiquement les documents de planification que sont les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU).

Notons enfin que deux nouveaux décrets permettant la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette », annoncés par le Gouvernement, ont été soumis à consultation publique l’été dernier.


Le coût du comportement attentatoire à la préservation de l’environnement doit devenir prohibitif

La Circulaire de politique pénale en matière de justice pénale environnementale du 9 octobre 2023, adressée par le Garde des Sceaux aux Procureurs, précise la dernière circulaire sur le sujet en date du 11 mai 2021 visant à consolider le rôle de la justice environnementale. Elle détaille ainsi les moyens pour permettre le développement du contentieux pénal environnemental au sein des juridictions et actualiser les orientations de politique pénale.

Cette circulaire prône un renforcement :
  • de l’articulation des compétences ;
  • de l’efficacité des enquêtes ;
  • de l’adaptation de la réponse pénale aux spécificités de la délinquance environnementale.
Enfin, la circulaire pose les contours d’une « réponse pénale ferme et adaptées », afin d’ inverser « la rationalité économique » et de rendre « prohibitif » « le coût d’un comportement négligent – voire sciemment attentatoire à la préservation de nos ressources et de notre patrimoine naturel ».

Elle s’articule autour :
  • du renforcement de la coordination de l’action administrative et judiciaire : à travers le déploiement des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (COLDEN) ;
  • du renforcement de l’efficacité des enquêtes judiciaires traitant des atteintes à l’environnement : intervention en co-saisine des services d’enquête de police ou de gendarmerie avec des fonctionnaires et agents habilités des administrations spécialisées en environnement, recours à des techniques spéciales d’enquête portant sur la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes ;
  • de la mise en œuvre d’une réponse pénale ferme et adaptée en matière environnementale :
    • en développant le recours à la convention judiciaire d’intérêt public environnementale (CJIPE);
    • en fixant une amende proportionnée et dissuasive (d’un montant maximal à 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat des manquement) ;
    • en imposant une remise en état du milieu systématiquement recherchée et vérifiée ;
    • en adoptant une approche globale de l’affaire et de ses enjeux financiers sous-jacents  [outre les infractions au code de l’environnement et au code de douanes, et lorsque les procédures le justifieront, seront systématiquement relevées les infractions de faux et d’usage de faux lorsqu’elles sont constituées (ce qui est fréquemment le cas notamment dans l’hypothèse de trafic de déchets ou de trafic d’espèces animales protégées ) ; seront recherchés les liens avec des infractions relatives au travail illégal, à l’escroquerie, au blanchiment ou à la corruption]. Au regard de l’importance des gains financiers générés par ces trafics, les parquets s’assureront de la réalisation d’enquêtes patrimoniales approfondies et de la saisine de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).


Brève 1 - Promulgation de la loi Industrie verte

La loi industrie verte, promulguée le 23 octobre dernier après des mois de concertation avec des acteurs de la société civile et des élus et son vote au Parlement, s’organise autour de trois axes principaux qui sont :
  • Financer l’industrie verte ;
  • Faciliter et accélérer les implantations industrielles et réhabiliter les friches ;
  • Verdir la commande publique.
Pour Roland Lescure, Ministre délégué chargé de l’Industrie, les porteurs de projets se basent sur trois éléments principaux dans leur choix d’implantation :
  • Les subventions ;
  • La mise à disposition rapide des sites ;
  • La facilité des procédures.
La loi Industrie verte répond à cette troisième exigence et, dans son application, permet de favoriser la seconde. En effet, le Gouvernement a présenté la deuxième génération de sites « clés en main », identifiant cinquante nouveaux sites destinés à héberger des activités industrielles tout en limitant l’artificialisation des sols.

Les sites « clés en main » de la première génération devaient être immédiatement disponibles et prêts à recevoir des activités industrielles en accélérant certaines procédures relatives à l’urbanisme, l’archéologie et l’environnement. Les nouveautés de cette « deuxième génération de sites clés en main » portent essentiellement sur la sélection plus stricte des sites disponibles notamment au regard des exigences de « Zéro artificialisation nette » (ZAN). À terme, l’objectif est de réunir 2 000 hectares disponibles nécessaires aux 20 000 hectares de fonciers identifiés pour les besoins d’industrialisation français dans les années à venir.
 


Brève 2 - SME : Prolongement de la prime pour les entreprises adoptant la norme ISO 50001

L’association technique énergie environnement (ATEE) développe un programme PRO-SMEn de soutien à la mise en place d'un Système de Management de l'Energie (SME) conforme à la norme ISO 50001. Ce dispositif, qui permet aux entreprises détenant un certificat ISO 50001 délivré après le 25 décembre 2022 d’obtenir une prime, est maintenu jusqu’en 2026.
Dans un contexte d’augmentation des prix de l’énergie et de valorisation de l’efficacité énergétique, cette prime permet d’allier la recherche de performance avec la possibilité d’obtenir une somme pouvant aller jusqu’à 40 000 euros. En effet, la prime est égale à 20 % des dépenses énergétiques annuelles hors TVA des sites certifiés (dernier exercice clos au moment de la demande d’aide), pour un montant maximum de 40 000 euros.

La demande s’effectue en 2 étapes. Il s’agit :
  • Tout d’abord, de s’inscrire auprès de l’ATEE lors du lancement de leur démarche et de vérifier son éligibilité à l’obtention de la prime (étape 1) ;
  • De présenter ensuite une demande d’aide (étape 2) une fois le certificat ISO 50001 obtenu.
Cette demande d’aide est à envoyer à l'ATEE dans un délai maximum de 18 mois après l’étape 1 et avant le 31 mai 2026. Doté d'un fonds de 11,2 millions d'euros, le dispositif PRO-SMEn soutiendra plusieurs centaines d'entreprises d'ici 2026.


Brève 3 - De la « protection » à la « surveillance », une directive sols peu ambitieuse

Déjà en 2006, la perspective d’une directive protégeant les sols était sujette à de nombreux débats. Dix-sept ans après cet échec, la Commission européenne reprend cette thématique en se limitant à des objectifs « de surveillance et de résilience des sols. ». Tandis que l’eau et l’air sont déjà protégés par des directives, tel n’était pas encore le cas pour le sol.
 
« Notre proposition, qui aboutira à la toute première législation européenne en matière de sols, stimulera la résilience de l'Europe et garantira un avenir viable à ses agriculteurs, à ses propriétaires fonciers et à sa population », a déclaré Virginijus Sinkevičius, le Commissaire européen à l’Environnement. La Commission défend une stratégie d’atteinte de sols sains sur le territoire de l’Union européenne en 2050.

Cette directive répond à une situation préoccupante en termes de qualité des sols européens. La Commission estime que, chaque année, le coût des dégradations s’élève à plus de 50 milliards d’euros et provoque une perte annuelle de productivité agricole de 1,25 milliard d’euros dans l’Union. Près de 2,8 millions d’hectares seraient contaminés.

« Soixante à 70 % des sols de l'UE sont actuellement en mauvaise santé. En outre, un milliard de tonnes de sols est emporté par l'érosion hydrique chaque année, ce qui signifie que la couche supérieure fertile restante disparaît rapidement ».

Agir pour la protection des sols permet de limiter les risques pour la santé publique et de préserver la production agricole européenne. Cependant, certains acteurs du monde agricole s’opposent à toute réglementation concernant les sols qui pourrait limiter leurs actions dans ce domaine. Ainsi, « la proposition n’impose aucune obligation directe aux propriétaires et gestionnaires de terres, y compris aux agriculteurs ».

Le projet de directive impose donc, seulement aux Etats membres, une définition des bonnes et mauvaises pratiques en matière de gestion des sols et les contraintes à recenser, la cartographie et la publication de la liste des sols pollués sur son territoire.



Le droit d'inventer demain
Département Environnement

Christophe Puel
Avocat Associé - Directeur Régional
Directeur du Département Environnement
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