Lettre d'information : Propriété Intellectuelle / Numérique, Tech et Données n° 161 (Décembre 2023)
Direction Technique Droit Economique

L’autodivulgation de dessins et modèles au cours d’un salon professionnel : un écueil répété qui anéantit la nouveauté du dépôt

CA Paris., 29 novembre 2023, n° 21/22461
 
L’appréciation de critère de « nouveauté » prévu en matière de droit des dessins et modèles (« DM ») comporte quelques spécificités notamment au regard des règles existantes en matière de brevet. Si cette condition consiste à n’accorder une protection qu’à un DM dont les caractéristiques ne sont pas préexistantes dans un autre produit ou création, le Code de la propriété intellectuelle comporte trois aménagements qui tempèrent la sévérité de ce mécanisme.

Le premier est celui du « délai de grâce » d’une année à compter de la date de première divulgation par le déposant d’un DM. Le second est celui du caractère « relatif » de l’état de l’art. En effet, d’après l’article L. 511-6, « Il n'y a pas divulgation lorsque le dessin ou modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée ». Le troisième découle de ce que la divulgation faite « à un tiers sous condition, explicite ou implicite, de secret » n’est pas réputée faite au public.
 
En dépit de ces correctifs à l’éventuelle divulgation préalable par le déposant, nombre de déposants tombent dans l’écueil de l’autodivulgation non suivie d’un dépôt dans les 12 mois de celle-ci.
 
Dans un arrêt rendu le 29 novembre 2023, la cour d’appel de Paris a annulé les dessins et modèles déposés en 2010 par une société spécialisée dans la fabrication d’armes factices relevant de la catégorie des « airsofts ».
 
 
                                                       Modèles déposés
 
Pour parvenir à cette conclusion, les juges observent que la société titulaire des droits avait mis au point un produit destiné au marché militaire dès 2004, avant de le proposer à la vente en 2008 sur un salon professionnel destiné aux forces de l’ordre.
 
Or, au terme d’une analyse des modèles litigieux, avec ceux présentés lors du salon professionnel de 2008, les juges concluent que ces modèles présentent « une physionomie très similaire, que ce soit concernant la crosse, la poignée, le corps de l'arme et leur agencement semblable, ce qui n'est pas contesté par [la société demanderesse], de sorte qu'ils produisent la même impression d'ensemble sur l'observateur averti, connaisseur des armes ».
 
Dans son argumentation, le titulaire des droits invoquait une nuance intéressante et faisait valoir que la divulgation n’avait pas été réalisée auprès du secteur intéressé dans la mesure où le public ayant assisté au salon professionnel de 2008 était composé d’utilisateurs d’armes à feu réelles (les forces de l’ordre), tandis que ses modèles visaient le public amateur de répliques d’armes airsoft. Cette analyse ne convainc pourtant pas la cour qui conclut que « les répliques d'armes et leurs accessoires d'une part, et les armes réelles et leurs accessoires d'autre part, ont une clientèle commune, à savoir un public de professionnels de la défense, tels que les policiers, les gendarmes, militaires et professionnels de sécurité qui utilisent les répliques d'armes à la place d'armes réelles pour des besoins d'entraînement et de simulation d'opérations à l'extérieur comme en salles ».
 
En conséquence, les DM invoqués sont invalidés par la cour.
 
Conformément à la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification et de
suppression des données vous concernant, que vous pouvez exercer en vous adressant à celine.diri@fidal.com.