Lettre d'information D-C n° 163 - Octobre 2022
Direction technique Droit économique

Communication de conditions générales de vente différenciées et responsabilité du fournisseur

Cour de cassation, chambre commerciale, 28 septembre 2022, n°19-19.768, publié au Bulletin

Des pharmaciens d’officine avaient créé une structure de regroupement à l’achat (SRA) chargée d’acheter et de négocier les conditions d’achat, de transport et de stockage de produits pharmaceutiques pour le compte de ses adhérents, pharmacies ou grossistes-répartiteurs. À l’occasion d’un litige l’opposant à l’un de ses fournisseurs, la SRA avait fait valoir que ce dernier avait refusé de lui communiquer ses conditions générales de vente en direct aux officines, qu’elle considérait lui être applicables et avait demandé réparation de son préjudice sur le fondement notamment de l’ancien article L. 442-6, I. 9° du Code de commerce, applicable aux faits de la cause, sanctionnant le refus de communication des conditions générales de vente (remplacé depuis l’ord. n° 2019-359 du 24 avr. 2019 par l’art. L.441-1, IV C. com. qui prévoit désormais une sanction administrative et vise « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente »).  Le fournisseur qui disposait de trois catégories de conditions générales selon la nature de sa clientèle – officines indépendantes, officines groupées et grossistes – avait soutenu que la SRA était assimilable aux grossistes-répartiteurs ce qui avait justifié son refus de lui communiquer des conditions générales de vente applicables à une autre catégorie d’acheteurs.

Par un arrêt en date du 4 juillet 2019, rendu sur renvoi après cassation (CA Paris, 4 juillet 2019, RG n° 17/13577), la cour d’appel de Paris avait considéré, à l’issue de l’analyse de la relation contractuelle, que la SRA se rapprochait le plus de la catégorie d’acheteurs « officines indépendantes » et avait, en conséquence, condamné le fournisseur à lui communiquer les conditions générales de vente accordées à cette catégorie et retenu sa responsabilité du fait de son refus d’appliquer ces dernières comme base de négociation commerciale avec son cocontractant.

Dans un arrêt rendu le 28 septembre 2022, la Cour de cassation approuve la cour d’appel et rejette le pourvoi.
Elle approuve d’abord la cour d’appel d’avoir déduit, au terme d’une analyse souveraine exacte des relations des parties dans leur ensemble, que la SRA était fondée à solliciter la communication des conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, acheteurs dont elle se rapprochait le plus au regard des trois catégories établies par le fournisseur dans son modèle de distribution, et leur application comme socle de la négociation commerciale.

Après avoir énoncé qu’il résulte de la combinaison des articles L. 441-6, I et L. 442-I, 9° C. com que, si le fournisseur assujetti à une obligation de communication de ses conditions générales de vente applicables à la catégorie dont relève l’acheteur qui en fait la demande « est toujours libre de ne pas lui vendre », il est en revanche « tenu, lorsqu'il entre en négociation commerciale avec cet opérateur, de le faire sur la base de ces conditions de vente », elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu qu’en ayant proposé à la SRA d’entrer en négociation sur la base de conditions générales de vente qui ne lui était pas applicables, le fournisseur avait engagé sa responsabilité.

Enfin, en réponse au fournisseur qui faisait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la publication d'un communiqué judiciaire, alors « que l'article L. 442-6, III, dans sa rédaction applicable au moment des faits, prévoit que la juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise » ce dont il résultait que « la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci ne pouvait être considérée comme étant de droit », la Cour de cassation décide que « compte tenu des éléments du dossier, en particulier des entraves, dont il témoigne, au développement des SRA mises en place par les pouvoirs publics dans l'intérêt des consommateurs, il est souhaitable que la décision de la cour d'appel soit portée à la connaissance des exploitants de pharmacies d'officine ». En l’occurrence, la Cour de cassation relève que « la publication de cette décision, dans les termes prévus au dispositif cassé, et à la charge [du fournisseur], serait donc justifiée » mais, constatant que « cette publication a déjà été effectuée en exécution de l'arrêt cassé », elle décide qu’il n’y a donc pas lieu de l'ordonner à nouveau.
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